Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BENITORAMA
Visiteurs
Depuis la création 42 800
Archives
30 octobre 2008

Carmen Cru, mémoire profonde de la Révolution

De passage dans un endroit cher où je stocke aussi des livres, je relisais cette nuit la collection complète des "Carmen Cru", l'oeuvre maîtresse du trop jeune disparu Lelong (éd. Fluide glacial) et je constatais combien, face à d'autres bandes dessinées, celles-ci avaient peu vieilli. C'est que cet univers s'avère assez intemporel, constitué de restes persistants de moeurs et pensées du XIXe siècle et du pompidolo-giscardisme. Lelong construit avec intelligence d'album en album, autour de la figure de l'horrible vieille dame, saynètes, personnages, situations et dialogues. Souvent drôlissimes les dialogues d'ailleurs mais aussi porteurs et révélateurs, du fait d'un humour cruel et éminemment "social".

La première histoire de l'album Ni Dieu ni maître voit arriver un "nouveau" locataire dans l'immeuble miteux qui jouxte la maisonnette de Carmen Cru. Il s'agit d'un duc tombé bien bas, ruiné par les dettes de jeu, et croyant trouver en la mère Cru une incarnation du "bon peuple" (il devait avoir trop lu La Varende). N'appréciant guère l'invasion de meubles qui se produit dans la cour - le malheureux étant passé d'un château à un 25m² - elle règle cela de la façon que tant la couverture comme le titre laissent prévoir : en pétroleuse post-communarde. Et héritière des incendies de châteaux de l'été 1789, car c'est là ce qu'elle fait, très explicitement*.

Avec des mots simples : "Je pensais pas qu'y avait encore des gens de cette espèce, faut qu'ils continuent à semer la pagaille. [...] Je croyais qu'on leur avait tous coupé le cou autrefois, mais y a de la négligence partout."

Carmen Cru témoigne par là - grande intelligence de Lelong qui cristallise cela en quelques pages - de la profonde imprégnation de l'événément révolutionnaire et de sa signification émancipatrice dans les classes populaires, ouvrières et paysannes au XXe siècle.

* Comment ne pas penser, de manière détournée certes, à "L'Anglaise et le Duc" de Rohmer, où le mobilier joue une si grande place, puisque contenu dans des décors de para-théâtre ? On le sait, le duc d'Orléans termina bien mal, après avoir été passablement ridiculisé en papier... lui aussi.

Publicité
Commentaires
Publicité