Sur les conseils de Benoît Hamet, je retrouve ces émissions d'Henri Guillemin sur Napoléon, au ton si particulier et parfois agaçant (de vieil instituteur à l'ancienne un peu bougon... certains m'ont formé et je les en remercie). Un tout autre temps : l'ORTF.

Madelin et Bainville en prennent pour leur grade (et pourtant, tout comme la collection dirigée par Max Gallo, ils peuvent faire venir à l'histoire de jeunes lecteurs, même un peu poussiéreux dans les rayonnages de grand-papa ou en bibliothèque). On peut tout à fait finir par aimer Robespierre en ayant apprécié Madelin enfant, sinon la vie serait à désespérer, bloquée, et l'histoire n'existerait pas.

Guillemin et son optimisme quasi positiviste, sa croyance en l'objectivité, en l'archive (et pourtant un certain manichéisme et des oeillères en même temps) sont touchants. Mais beaucoup de temps historiographique s'est écoulé depuis, et l'histoire est en miettes. Foucault, Barthes et pas mal d'autres sont passés par là (et tant mieux).

Nos temps sont passionnants à vivre, mais inquiétants, angoissants, et plus rien n'est simple. N'oublions pourtant pas les choses simples, je ne parle pas des saucisses Herta, mais plutôt de Jean-Claude Michéa.

Quant à Guillemin, on peut aller le lire chez Utovie, son meilleur livre restant selon moi le piquant Benjamin Constant muscadin*, que l'on peut utiliser pour assaisonner la somme imposante de Michel Winock sur Madame de Staël, chez Fayard**.

* Un autre beau titre (sans rien enlever bien sûr à Tocqueville de son intérêt intellectuel) : La canonisation libérale de Tocqueville. Même processus arrivé à Hannah Arendt, et Dieu sait si je l'aime ! Je lis d'ailleurs CECI en ce moment, par petits bouts. 

** Une lecture repoussée de mois en mois... Benjamin et Germaine n'étant pas précisément ma tasse de thé : ils peuvent être au minimum agaçants ces deux-là. Mais ils constituent des figures incontournables, et ce Winock figurera tôt ou tard dans ma bibliothèque, cela va de soi. J'ai pas mal lu cet auteur, notamment sur Clémenceau.

Triste après-midi... et lecture d'albums plaisants pour tenter de me décrisper.

Le bien drôle t.2* de Quai d'Orsay (Dargaud) de Christophe Blain et Abel Lanzac, série au succès mérité, humour intelligent. Une lecture "parfaitement réjouissante", l'expression est adaptée (même s'il s'agit là du t.1).

Puis Quelques mois à l'Amélie (Dupuis), de Jean-Claude Denis, un album assez mélancolique. Ce dernier sera le prochain président du FIBD en 2013, pour succéder à Art Spiegelman. Quoi qu'on puisse penser des honneurs, autant que ceux-ci, état politique d'un champ à un moment donné, retombent sur de vrais auteurs, importants, avec une oeuvre, ne serait-ce que pour l'histoire et la transmission. Et l'auteur des excellentes aventures d'André le corbeau constitue avec d'autres (Fred...) comme un passeur vers nous, vers le creuset de l'Association par exemple.

Futuropolis (où Denis a publié), l'Association, l'Apocalypse : l'histoire. Avec ses strates, ses couches, ses inconnues. Les cendres chaudes, toujours chaudes.

* Un t2 bellement dédié par le scénariste à Claude Lanzmann.

Allez, terminons cette page du jour et ces longues notes bibliographiques par une jeune interprétation du Chant du Départ*, porteur de toute la mystique républicaine de l'An II dont Charles Péguy regrettait déjà en 1910 l'affaiblissement et la disparition dans les pages brûlantes de Notre jeunesse.

* Que l'on peut faire "résonner" avec le livre de Sophie Wahnich intitulé La longue patience du peuple (Payot). Moment fondateur de la République.

Un nouveau Séminaire de la Règle du jeu, ce dimanche à Paris, avec des invités de qualité. J'ai lu dernièrement avec curiosité l'introduction de Taguieff à Julien Freund, auteur dont je ne savais pas grand chose jusque là (La Table Ronde*). Quant à cet ouvrage de Laurent Bouvet (Gallimard), on en parle beaucoup en ce moment : le débat d'idées semble bel et bien de retour.

* A signaler que cet éditeur republie la plus grosse partie de l'oeuvre de Jacques Ellul. La librairie MCL d'Angoulême possède un très beau rayon Ellul, avis aux amateurs.

Un excellent jeune historien que Fabrice Erre, tous les lecteurs du Règne de la poire (Champ Vallon) en conviendront, cette lecture constituant un vrai plaisir pour l'esprit. Presque trop court d'ailleurs, ce qui n'arrive qu'avec les bons livres ! En attendant un nouvel ouvrage, on peut retrouver l'auteur parmi les contributeurs de ce pavé d'histoire de la presse, aux éditions Nouveau monde, maison d'édition spécialisée en histoire (une belle collection napoléonienne notamment).

Il reste encore des élus de la République qui aiment réellement les livres, pour s'en convaincre, aller parcourir ce débat parlementaire*. Hervé Gaymard et Patrick Bloche y défendent d'arrache-pied le maintien de la tva à 5,5%. Les deux députés semblent comprendre ce qui se joue là en matière de "nourritures spirituelles".

Espérons donc qu'un retour en arrière sur une aussi néfaste mesure advienne au plus vite !

Je salue au passage mes courageux amis libraires et éditeurs. Tenir, il faut tenir.

* On peut noter l'existence de cette revue, pas assez connue, Parlement[s], comme, évidemment, de la chaîne LCP-AN. Je recommande aussi cette collection d'histoire parlementaire, aux éditions Armand Colin. Quant à la Boutique de l'Assemblée nationale, j'en ai déjà parlé ICI.

Une des raisons pour lesquelles j'achète Le Monde diplomatique, c'est qu'il brasse des dizaines et des dizaines de références de livres, constituant ainsi une source importante pour lectures à suivre ou possibles.

Ainsi, dans le numéro du mois de février, ces titres qui soulèvent mon intérêt, à divers titres :

- à paraître, le nouveau livre de Mona Chollet, un joliment nommé Beauté fatale (future note de bas de page pour un mien projet) chez Zones/La Découverte.

- le classique de Kantorowicz, Les deux corps du roi (Gallimard), utilisé ici pour une analyse... de la "succession" en Corée du Nord !

- le t.2 de L'obsolescence de l'homme, de Günther Anders, chez Fario, ou La menace nucléaire, au Serpent à plumes. Peu lu encore Anders, plutôt ses textes courts chez Allia. Nombre d'amis bons lecteurs me recommandant L'obsolescence..., je finirai par m'y plonger, même si sa lecture me déprime par avance.

- sur des thèmes intéressant fort Le Diplo depuis longtemps, ce De Gaulle et le Vietnam (Tallandier).

- un livre qu'on va m'offrir prochainement - il y a encore de charmantes personnes qui m'offrent des livres : ce Journal de Moscou, de l'ambassadeur Froment-Meurice, aux éditions Armand Colin.

- un de mes "cadeaux de Noël", lu avec profit dernièrement, Sartre et l'extrême-gauche française (La Fabrique). Un livre qui sort de l'oubli (relatif) Daniel Guérin ne peut qu'être recommandé ici. N'oublions pas comment la thèse de Guérin sur les sans-culottes (un bon aperçu dans ce livre) a activé et bousculé le débat historiographique après-guerre. A signaler, cette quasi biographie collective parue à L'Harmattan. De même que cette réédition aux Bons caractères.

- La face cachée de Reporters sans frontières, aux éditions Aden.

- des textes du Che en français, chez Bouquins.

- un passionnant numéro 47 de la revue Agone sur "les théories du complot".

- le n°190 des Actes de la recherche en sciences sociales.

- cet essai a l'air passionnant : La fabrique de l'homme endetté(Amsterdam), par Maurizio Lazzarato.

- l'indispensable somme qui présente "tous les Foucault", ses Dits et écrits (Gallimard, nouvelle édition en deux tomes).

- toujours bon à relire, et sans nul besoin pour cela d'un passeur faussement hédoniste, Nietzsche.

- en guise de conclusion pour nos années post-yuppies boursomanes, La bourse et la vie de Jacques Le Goff.

Bien d'autres titres cités, une bonne raison en soi d'acheter Le Monde diplomatique.

D'utiles sources bibliographiques que ces diffuseurs ou portails d'éditeurs :

- Belles Lettres Diffusion Distribution

- Court-Circuit Diffusion

- Atheles

- Alliance internationale des éditeurs indépendants

- Association française des Presses d'Université - Diffusion

- Le comptoir des presses d'universités

- Le Cerf (qui diffuse aussi d'autres maisons d'édition)

Le philosophe Ruwen Ogier (je le lis, avec stupeur parfois tant il va loin, mais je le lis) va pouvoir tremper ses croissants dans le champagne.

Le premier "Prix Procope des Lumières" vient en effet de lui être attribué, et la dotation en est des plus sympathique : outre le champagne, avoir table ouverte dans l'un des  plus anciens cafés de Paris, fréquenté par nombre des grands révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle. Des fantômes politiques, à proximité de l'un des coeurs géographiques de la Révolution, et quasiment à l'ombre de la statue du grand (mais corrompu) Danton.

Je lirai sans doute ses "croissants" mais ce sera après l'un des candidats "malheureux" au prix, le Pierre Rosanvallon de La société des égaux. En 2012, nous nous trouvons en plein dans le bouillon des questions posées par Ogier et Rosanvallon (J.-C. Michéa croisant les deux de façon critique).

Pour découvrir et donner envie d'acheter Le Monde diplomatique de février, on peut écouter CECI, sommaire plus que commenté. Bloqué par la neige quelque part dans ce beau pays, j'ai tout le temps pour le lire !

Passionnante intervention orale d'Aurélien Barrau, qui donne envie de se plonger dans son article de cosmologie : "Trois hypothèses pour un Big Bang". Des thèmes pas évidents, et un tantinet vertigineux. Les lecteurs curieux pourront prolonger avec Multivers, à La ville brûle (auquel participe A. Barrau). Même si je n'ai pas encore touché à la partie scientifique du catalogue de ce jeune éditeur, je ne peux que la recommander, ils font tout avec le même sérieux.