Hélas, telle pesante polémique "maritale" en cours inutilement clivante (et sa charge de phobies plus ou moins latentes) ne facilite pas l'échange ou la subtilité dialogique. D'autant plus de raisons de prendre garde aux raccourcis.
Ainsi, dans un journal que j'apprécie, L'Humanité (pour parler de la manifestation parisienne d'hier et de ses contradictions), lire "Sur une banderole cohabitaient ainsi des citations de Georges Bernanos - écrivain proche de l'Action française - et de Gandhi" m'inspire ces deux choses :
- que faire tenir Bernanos et Gandhi ensemble est au contraire tout à fait possible (même si à moi, l'idée ne viendrait pas**), en tout cas je perçois dans quel sens cela est fait.
- que réduire Bernanos à l'Action Française n'est pas juste. Quid des Grands cimetières sous la lune, alors ? Et du scandale que ce pamphlet généra précisément dans les milieux "AF"*** ? Très dur de réduire un Bernanos (ou, de façon différente, un Péguy) à ceci ou cela*. Cf la complexité décelable dans l'ensemble en Pléiade.
Bernanos peut laisser indifférent, ou énerver, ou que sais-je... mais soyons juste à l'égard d'un homme qui sut aussi prendre des risques contre lui-même.
* Voir les propos de Simone Weil et Albert Camus ICI.
** Moi, je pense que Bernanos reste brûlant (et difficile à manier du coup) alors que Gandhi, cela peut parfois ressembler à de l'eau tiède. Se reporter à Human Smoke, où certains courriers pacifistes de Gandhi à Hitler laissent pantois. Encore plus naïf que Chamberlain, est-ce possible ? Le vieux Churchill, certes confit dans l'alcool et terriblement réactionnaire, avait compris, lui ! C'est aussi ce que rappelle Antoine Vitkine dans son essai sur la diffusion et la perception de Mein Kampf : De Gaulle comme Churchill avaient saisi les implications de pareil ouvrage. Et bien sûr, le clairvoyant Trotsky !
*** Sur l'engagement ou le soutien de ces milieux à l'Espagne "nationale", voir notamment Les Brigades internationales de Franco (Via Romana) ou le classique d'Eugen Weber chez Fayard.