Alphonse Boudard était fasciné par la Révolution française... et la transmission qui en était faite par un storytelling particulier, lequel avait tout de même des mérites*. Sans avoir non plus un intérêt débordant pour son oeuvre, le lire de temps à autre me procure une plongée dans une France disparue : débrouille, gouaille et argot. Un peu le même effet que de voir la trogne de Gabin en noir et blanc.
Boudard, donc, dans un livre d'entretiens paru peu avant sa mort, parlant de la Révolution (p. 203) : "Il y a aussi des gens qui m'attirent, mais auxquels je n'adhère pas forcément. Des zèbres comme Saint-Just et Robespierre me hérissent un peu... Camille Desmoulins, je ne l'aime pas tellement... J'aime mieux Danton, parce que c'est un politique, et Mirabeau aussi : ce sont de vrais crânes de politiques, ceux-là. Mais ce sont aussi des ordures : ils sont pourris, ils ont fait toutes les combines possibles. Je suis plus rassuré par les gens qui cherchent du fric ou les biens de ce monde, je me dis qu'avec eux les dégâts seront limités : quand ils auront leur château et des bonnes femmes, ils seront contents, et ils nous foutront la paix..."
Tout Thermidor est là** !
* Comme beaucoup d'autodidactes, Boudard fut marqué - à juste titre - par la lecture de l'Histoire de la Révolution française de Michelet (c'est ce que nous apprend Revenir à Liancourt, aux éditions du Rocher). Comme un récit-mère qui pouvait tout tenir. Et d'où l'on pouvait contempler l'histoire de France et du monde. Adolescent, c'est sans doute l'effet que cela provoqua en moi : j'ai lu Michelet longtemps avant Jaurès ou Mathiez...
** Alors qu'on sent ailleurs, chez Boudard - et ce n'est qu'en partie paradoxal - des accents pas si éloignés des analyses de Daniel Guérin. Temps long et transmission de la mémoire du sans-culottisme, via la Commune de Paris.