Le temps de trois cafés...
- le Libération (annuel) des écrivains, à prendre... et à laisser. Ainsi :
Un très bon portrait, tendu, de Benoît Schneckenburger. Ce qui m'incitera peut-être à lire Maylis de Kerangal, le battage médiatique autour d'elle m'en ayant plutôt dissuadé jusqu'à présent : comme un filtre, ou un rideau pesant.
Les quelques lignes qu'un jeune homme consacre à Pierre Schoendoerffer ne sont par contre ni glorieuses, ni bien informées : il confond notamment guerre d'Indochine (la vraie obsession du cinéaste) et guerre d'Algérie (prolongation vitale de nombre de ses personnages), et s'appesantit sur "L'honneur d'un capitaine", qui n'est pourtant pas son film le plus important. Quid de "La 317e section", du "Crabe-Tambour" ou de l'impressionnant documentaire, toujours à hauteur de soldat (et donc d'humanité), "La section Anderson" ? Quid de son inventivité formelle, sur la manière de filmer la guerre ou bien la mer ? Quid de son "respect visuel" pour les combattants quels qu'ils soient, pour les morts et les blessés, et pour les civils martyrisés par cette guerre de décolonisation (dont il devait savoir au fond de lui qu'elle était vaine) ? Quand on ne connaît pas un auteur, pourquoi en parler ?
- L'Humanité* est beaucoup plus sobre et correct, sans enthousiasme mais correct : "Il avait été cinéaste, journaliste, écrivain et ancien combattant, toute son oeuvre en témoigne. [...] La camaraderie virile était son domaine". Cette dernière phrase pourra sembler un peu brusque, mais il y a du vrai dedans, dans le sens humaniste du terme. Ils savent, eux, qui ont vécu tout cela durement, dans les campagnes pour la décolonisation et l'aide au Vietnam... que le temps a passé, que le cinéma de Schoendoerffer est polysémique (et révélateur)... et que le réalisateur soviétique Karmen l'estimait fort.
Une situation digne du meilleur Michéa... nous vivons des temps étonnants !
* Le Pierre Schoendoerffer de Bénédicte Chéron note longuement les réactions des divers médias lors de la sortie des films du cinéaste, et les papiers du journal communiste auront été parfois élogieux ("La 317e section"), souvent mesurés (et seront restés intelligents lorsqu'il s'agissait de critiquer). Bel article par exemple de François Maurin en 1977, consacré au "Crabe-Tambour".