Ayant entamé tout à l'heure le très intéressant* et copieux journal de Jeune mariée de Catherine Robbe-Grillet** (chez Fayard), ces quelques lignes de la page 47 me plongent dans de sombres réflexions : "Le soir, après la représentation, j'ai pris seule l'autobus pour rentrer. J'ai été abordée par une bande de jeunes gens qui, m'ayant reconnue, m'ont fait signer leur programme. J'étais très fière."
CRB était alors (1958) une jeune actrice de théâtre, et jouant un théâtre de qualité.
Au cours de ces dernières années 2000, j'ai assisté trois fois à ce genre de scènes, deux fois en province (Angoulême lors d'un FIBD et La Rochelle sur le vieux port), une fois à Paris : de jeunes gens en reconnaissant d'autres et se précipitant vers eux pour se faire signer des autographes.
Les trois fois, on l'aura sans doute deviné... il s'agissait de personnes issues de la télé-réalité. Et pas la plus reluisante !
Alors, pas de passéisme ou de lamentation, à quoi bon... mais tout de même, cela donne à songer. A mettre aussi en corrélation avec le recul de la place du théâtre dans les grands journaux.
Pourquoi au XXIe siècle, le théâtre, où les gens se tiennent ensemble hors de la fuite déréalisante du monde, ne parviendrait-il pas à reconquérir une place plus importante, celle qu'il a pu avoir au XIXe et encore au XXe siècle ? Je serais heureux de voir cela de mon vivant.
* Non destiné à être publié, il est frais et piquant par tous côtés. Et l'on apprend bien des choses sur le milieu littéraire et intellectuel de l'époque.
** Ou Jeanne de Berg (que j'ai beaucoup plus lue que son époux) : voir en dernier ces deux beaux petits livres, Entretien avec Jeanne de Berg (aux Impressions Nouvelles) et Le petit carnet perdu (chez Fayard).