Plongé dans Devenir de Gaulle. 1939-1943, de Jean-Luc Barré (Perrin/Tempus, ouvrage fort peu hagiographique et basé notamment sur des archives inédites ou peu connues), je tombe par les charmes du podcast sur le site internet des éditions Bartillat (maison qui avait édité il y a quelques mois les Ecrits politiques de Sade). Et voilà de quoi compléter cette lecture : un De Gaulle inventaire (intellectuel). On remarquera que le bagage de l'un correspond assez au fond de l'autre... dans lequel le Karl Marx de Mehring, un classique, fait figure d'exception.

Une belle idée de cadeau, cette édition soignée (2009) de l'Histoire d'un crime de Victor Hugo, un de ses meilleurs livres à mon sens (avec Quatrevingt-treize) : une sorte de quintessence du Hugo de la maturité. C'est édité par une jeune maison d'édition, Abeille et Castor, au catalogue en développement.

Livres tirés des quelques journaux lus ce jour, vacances, encre et papier :

[source : Libération] : La violence, une histoire sociale. France XVIe-XVIIIe siècles, de Michel Nassiet (Champ Vallon)

[source : Sud Ouest] : Salut à vous !, de Bernard Ruhaud (Maurice Nadeau)

[source : Marianne] : Les vies multiples de Jean Giraudoux, de Guy Teissier et Mauricette Berne (Grasset)

et Chansons pour la fille du boucher, de Peter Manseau (Christian Bourgois)

[source : L'Humanité] : La cause animale. Essai de sociologie historique. 1820-1980, de Christophe Traïni (PUF)

[source : Le Monde2] : Anatomie d'un instant, de Javier Cercas (Actes Sud)

[source : Le Monde] : Le portail, de François Bizot (La Table ronde)

Juste reçu le dernier numéro des Cahiers d'histoire, un épais numéro double (n°112-113), "Histoires croisées du communisme italien et français". Des historiens italiens et français pour un sommaire ouvert et, semble-t-il, dépassionné. Un numéro qui débute par un article de Serge Wolikow, auteur d'une récente histoire de L'internationale communiste. Tout ce qui fait progresser la connaissance sur ces thèmes complexes est le bienvenu !

Les gentils, les méchants, une époque enfuie où tout semblait plus simple.

Où, face à cela, l'on faisait moins les malins.

Tout est durci, et complexe à situer.

Quelques choses simples pour retrouver ce que la France, notre belle France a donné au monde. L'universel fraternel et le local moins les murs.

A Paris :

- Hugo Pratt à la Pinacothèque, suivons Patrizia Zanotti.

- Jossot à la Bibliothèque Forney, suivons Fabrice Neaud.

- Les armures des princes d'Europe aux Invalides, suivons Télérama.

- Les figures du pouvoir en Angola au Musée Dapper, suivons RFI.

- Romain Gary au Musée des lettres et manuscrits, suivez-moi si l'auteur vous intéresse, on rentre assez bien dans son processus de création... et de créations d'identités au sein d'une oeuvre touffue, ramifiée mais cohérente. Une exposition presque trop modeste pour un tel auteur, mais ne boudons pas notre plaisir. Passionnant aussi pour comprendre cet étrange phénomène, unique et impossible à répéter, qu'a été le "gaullisme de guerre" (le seul qui m'importe).

En Province :

- Traits résistants à Lyon, suivons Actua BD.

- Le Roi de Rome à Fontainebleau, suivons le site Napoléon Ier.

En admirant le beau français que parle Irina Bokova, avec un accent délicieux, on peut farfouiller parmi les publications de l'Unesco, qui selon son actuelle directrice générale "doit garder très hautes les valeurs de l'esprit humain".

Quelques bons titres : Aux origines de la métallurgie du fer en Afrique, La société des Amis des Noirs (1788-1799), Les abolitions de l'esclavage, La "République" jésuite des Guaranis, Destins croisés ou bien ce classique portugais que sont les Voyages dans mon pays.

 

Voici trois ouvrages qui valent d'être lus et défendus :

- la thèse de Jean-Christophe Menu, La bande dessinée et son double (l'Association), ce n'est pas tous les matin que ce bon vieil Artaud résonne dans notre champ d'activités ! Artaud-Marat-épouvantail, une figure sur laquelle je travaillerai un jour, avec souffrance et joie.

- encore un livre important de L.L. de Mars, on verra ICI qu'il brasse des choses du premier rang de ce qui doit inquiéter et réjouir un artiste : Comment Betty vint au monde (Tanibis).

Un homme qui écrit de telles lignes mérite une attention soutenue : "ce récit s'achève par la mort de Betty parce que dans un récit la mort n'est qu'une convention signifiant qu'on a clôt une première lecture. D'innombrables autres chapitres peuvent naître de chaque page, dans une autre direction. Un livre est le centre d'un infini concentrique."

- Et c'est pas fini ! une (re)découverte de ce dernier salon de Sérignan, l'oeuvre de Guitton, dont je ne connaissais que des bribes, et qui fait l'objet d'un magnifique grand livre à couverture sérigraphiée, tout cela édité par Le chant des muses, éditeur de Béziers.

Jean-Marc Thévenet est quelqu'un qui oeuvre au croisement, à l'hybridation entre bande dessinée et art contemporain, ou tout simplement à l'ouverture voire l'explosion des frontières "de genre" (le beau musée de Sérignan en fait autant de son côté). Le fait qu'il ouvre sa propre galerie semble un bon signe. J'ai hélas raté de peu l'inauguration le 7 juillet, mais l'exposition de Denis Sire au titre évocateur, "Mythologies mécaniques", dure encore quelques jours. Longue vie à la galerie JM Thévenet !

Et en parlant de bon livre... tout nouvel ouvrage de L.L. de Mars constitue un événement et tant pis s'il n'est encore partagé que par quelques milliers d'heureux lecteurs (mais le cercle s'étend).

L'ayant à peine feuilleté, je suis déjà perturbé par Une brève et longue histoire du monde, aux toutes fraîches éditions Délicates, ce qui est rare en bande dessinée et bon signe.

J'irai chercher un peu plus de perturbation et de joie dans son Betty.

Vendredi 16, samedi 17, dimanche 18 septembre, nouvelle édition du grand événement annuel à La Courneuve où le non-communiste que je suis a grand plaisir à se rendre : fraternité, discussions et livres par milliers. C'est vraiment une concentration étonnante de papier et d'idées.

Parmi les éditeurs présents, à visiter sur la Fête : Agone, Delga,  Les Editions de l'Atelier, Le Maitron, Espaces Marx, Europe, La ville brûle, Le Monde diplomatique, Le Temps des cerises, La Dispute-Editions Sociales, Les Cahiers d'Histoire et un etc.

Parmi les auteurs, je note la présence de : Emmanuel Barot, Alexandre Courban, Thierry Discepolo, Serge Wolikow, Henri Alleg, Roland Gori, Olivier Le Cour Grandmaison, Annie Lacroix-Riz, Claude Mazauric, Sophie Wahnich, Nicolas Offenstadt, Pierre Serna, etc. etc.

Au village du livre, ces deux débats passionnants :

"Que faire des manuscrits de Robespierre ? Enjeux politiques et scientifiques d'une conservation étatique", samedi 17 septembre, 16h15 / Village du livre/espace Débats

"Deux pensées critiques au siècle des Lumières : Rousseau et la philosophie, Morelly et l'utopie", dimanche 18 septembre, 12h00 / Village du livre/espace Débats

Je relaie... je ne pourrai m'y rendre, hélas.

"Chers amis, lecteurs, souscripteurs...

Délicates, maison d'édition de bande dessinée,  est ravie de vous annoncer la parution de son tout premier livre, l'explosif et foisonnant Une brève et longue histoire du monde de L.L. de Mars.

A cette occasion, une rencontre est organisée avec l'auteur le vendredi 30 septembre à partir de 18 heures à la librairie Alphagraph, 5 rue d'Échange à Rennes.

L.L. de Mars, qui signera ce nouveau livre ainsi que ses deux livres précédents : Comment Betty vint au monde paru chez Tanibis et Docilités paru chez Bicéphale, ouvrira la rencontre par une lecture publique ou un solo de clarinette.
 
Nous espérons avoir l'occasion de vous y croiser.

Cordialement, amicalement,

l'équipe Délicates"

Un éditeur à soutenir car il remue le foin des chaumières.

Je parcours le Hors-série n°5 du Monde, consacré à "Charles de Gaulle. Une certaine idée de la France". Les joies de la bibliographie, sur un thème qui nous concerne tous en cette Ve République sinon finissante, du moins mal en point. Je pioche dedans :

- Pour les oeuvres elles-mêmes du général, voir la bibliographie du hors-série en page 121... et les éditions Plon et La Pléiade/Gallimard

- La monumentale biographie de Jean Lacouture, édition définitive sous coffret avec album de photos (Seuil)

- Celle de Paul-Marie de La Gorce (Nouveau Monde), dont j'ignorais l'existence (j'aime bien cette maison d'édition pourtant, pour ses livres sur Napoléon)

- L'excellent Devenir de Gaulle, chez Perrin, dont la lecture m'avait passionné cet été. Jean-Luc Barré écrit très bien, ce qui n'est pas un luxe en histoire.

- Le copieux Dictionnaire de Gaulle, chez Bouquins/Robert Laffont.

- De Gaulle et Malraux, le discours et l'action, de Marie Geffray (François-Xavier de Guibert)

- L'édition Quarto/Gallimard de C'était de Gaulle d'Alain Peyrefitte

- Evidemment, Les chênes qu'on abat, de Malraux

- Le classique De Gaulle, histoire, symbole, mythe, chez Pluriel, de l'historien Maurice Agulhon

- Cette somme d'Alain Larcan, qui semble indispensable : De Gaulle inventaire. La culture, l'esprit, la foi, chez Bartillat

Et en guise de conclusion de cette petite liste sélective et pour ouvrir, le livre de Marc Ferro, De Gaulle expliqué aujourd'hui (au Seuil).

Avec Les couleurs de nos souvenirs, livre paru l'an dernier, on peut avoir une introduction à l'oeuvre de Michel Pastoureau, spécialiste des couleurs, de héraldique et des symboles. Quelques incontournables :

- L'étoffe du diable, lecture rafraîchissante et "exotique"

- le tout récent Bestiaires du Moyen-Age, beau cadeau pour Noël

- sa petite histoire du Cochon, "cousin mal aimé" (on peut prolonger avec gourmandise dans la somptueuse revue Louchebem, feuilletée récemment à L'Ecume des pages)

- cette somme somptueuse sur L'ours, "roi déchu" (tous les responsables politiques européens devraient le lire, avant de s'assurer effectivement de la survie du "prince" de notre imaginaire continental)

L'historienne sera reçue par la librairie Le Divan, ce dimanche à partir de 11h00, pour signer son épaisse et toute récente biographie du Grand Condé (aux éditions De Fallois). Une lecture agréable... sur un personnage qui ne l'était pas beaucoup. Et des questions intéressantes sur le pouvoir, l'héroïsme et les aléas de la fidélité sous l'Ancien Régime.

Gérard Blier, prochainement invité à MCL - la meilleure librairie d'Angoulême, librairie indépendante de grande qualité - pour parler de son dernier livre, consacré à La guerre en Poitou-Charentes (Vème -XXème siècles), aux éditions Le Croît Vif. Ce sont surtout les passages sur les Guerres de religion qui m'intéressent, la région étant stratégique aux XVIe-XVIIe siècles, mais le livre, dans sa totalité monographique, semble mériter lecture. A 19h00, dans les murs de la librairie.

Champ Vallon, c'est du sérieux, du nourrissant et souvent du classique quelques mois après publication : l'indispensable sur tel ou tel thème, notamment historique. Je pense à ces ouvrages, subjectivement emblématiques que sont Croiser le fer (par le biais duquel j'ai découvert la maison antan), Le bain de l'histoire et Le règne de la poire.

J'avais jusqu'à présent peu fréquenté la collection "L'environnement a une histoire", mais c'est chose réparée avec le court mais stimulant essai de Jean-François Mouhot, Des esclaves énergétiques, qui file, avec les précautions requises, l'analogie entre exploitation des esclaves* et utilisation de machines nécessitant de l'énergie fossile.

Une lecture assez perturbante, et passablement anxiogène... mais c'est le monde fini dans lequel il est nous donné de vivre qui l'est, et il ne sert à rien de se fermer les yeux. Sans pesante moraline, le livre ouvre des pistes : au moins de réflexion, si possible d'action. 

Un Lincoln... ou bien un Danton ? 

On disait cela de Louis XIII. Malgré ses guerres, Louis XIV aura quant à lui gardé l'image d'un roi bureaucrate.

Je suis en ce moment quelque peu réfugié en plein XVIIe siècle (beau siècle de régences féminines), loin de nos turbulences, en plein dans les leurs.

Enfin... par l'illusion délicieuse du récit ! L'inquiétante étrangeté du mouvement diachronique, l'exotisme de ces autres qui ont été... comme courir après des parfums éventés. Délicieux, infiniment délicieux.

Comme je ne me rends jamais aux Universités d'été de la bande dessinée d'Angoulême, je profite de ce podcast pour écouter Loïc Néhou, l'éditeur d'Ego comme X.

[Je suis - soit dit en passant - très favorable au podcast et au mode d'écoute intime, refroidi, posé qu'il permet]

Signe d'espoir à mon sens, le "déficit de transmission d'expérience, de ressenti, d'oeuvre" dont il parle justement* se trouve comblé peu à peu, notamment par les copieuses éditions de correspondance en cours ICI et LA. L'accumulation d'intelligence vs un certain processus de décivilisation. Les Lumières malgré tout.

* Concernant notamment les classes populaires, c'était là l'idée de Bourdieu dans La misère du monde. Cela constitue l'un des axes du travail de Marcus Rediker.

Dirigé par Martin Aurell et Catalina Girbea, un dense recueil de contributions sur un thème qui doit être livré au travail de l'historien et non aux images d'Epinal (gardons celles-ci pour les enfants, elles ne sont pas inutiles) : Chevalerie et christianisme (PUR). Tout cela vaut mieux que le carton-pâte.

Celle-ci est indéniable*, et il serait bon qu'enfin, au minimum, Marx comme Bourdieu** soient appréciés pour les apports de leur pensée, en dehors des clichés et anathèmes divers. Des pensées à connaitre, à travailler, des outils. Un patrimoine intellectuel commun.

Voici une conférence organisée par l'association "Université en campagne" d'Angoulême :

Mercredi 25 janvier à 18h à la MJC Louis Aragon de Ma Campagne, Jean-Numa DUCANGE, Maître de conférences en Histoire contemporaine à l'université de Rouen viendra parler de "La vitalité de la référence à Marx dans le paysage politique contemporain". Rencontre débat animée par MH Boutet de Monvel et MH Popelard.

* Même Le Monde s'y met, avec ce hors-série "Karl Marx l'irréductible".

** Cf l'éditorial récent dans Libération de Sylvain Bourmeau et Nicolas Demorand  (5 janvier 2012) : "il fut d'abord et avant tout un militant de la science. Un sociologue ayant (ré)inventé cette discipline. Un chercheur capital dont les travaux sont cités et discutés dans le monde entier, avec une intensité dont le grand public ne prend pas toujours la mesure en France..." La sortie du cours au Collège de France rassemblé dans Sur l'Etat (Seuil) semble permettre une évaluation plus sereine, moins encombrée ou partisane, de l'oeuvre de Bourdieu. Espérons que cela se poursuive. A signaler le numéro "spécial Bourdieu" dans L'Humanité lundi.

Pour découvrir et donner envie d'acheter Le Monde diplomatique de février, on peut écouter CECI, sommaire plus que commenté. Bloqué par la neige quelque part dans ce beau pays, j'ai tout le temps pour le lire !

Passionnante intervention orale d'Aurélien Barrau, qui donne envie de se plonger dans son article de cosmologie : "Trois hypothèses pour un Big Bang". Des thèmes pas évidents, et un tantinet vertigineux. Les lecteurs curieux pourront prolonger avec Multivers, à La ville brûle (auquel participe A. Barrau). Même si je n'ai pas encore touché à la partie scientifique du catalogue de ce jeune éditeur, je ne peux que la recommander, ils font tout avec le même sérieux.

Déconnecté du net, de presque tout d'ailleurs, après dix jours de vagabondage (Paris et Laval) et ceci...

Tout juste appris le décès de Patricia Bonnetaud, la femme pleine de passion et d'énergie qui, après bien des aventures dans la musique, dirigeait Ladilafé, "agissant en primitive et prévoyant en stratège". J'ai la rage, une rage matéraliste que je vais tenter de contenir et sublimer.

J'aimais beaucoup cette fille, et la dureté de la vie matérielle m'aura ôté la possibilité de mieux la connaître et de l'entendre de nouveau rire. Je l'ai trop peu connue, nous nous sommes presque engueulés lors de la première rencontre, puis fort bien entendus, longue discussion un soir de concert, une vraie amitié allait naître... les circonstances ne l'auront pas permis.

Je suis honoré d'avoir pu faire la connaissance de cette grande femme, et je le dois à Christian Chagot et aux Hurlements d'Léo : ce fut au cours de la réalisation de la bande dessinée Bordel de luxe accompagnant leur album, un projet que Patricia encourageait, avec sa grande et profonde gentillesse.

Il faut continuer, en hommage à son immense et belle énergie créatrice, mais ce soir, c'est un peu dur.

Je n'oublierai pas Patricia.

Une longue interview avec cet auteur de talent qu'est Cyrille Pomès (voir A la lettre près chez Albin Michel, un album marquant et interrogeant). C'est à l'occasion de la sortie de Sorties de route (Scutella) : si cet album traduit un tout autre rapport que le mien à l'autre féminin et à la relation amoureuse, c'est précisément ce qui en fait tout l'intérêt comme lecteur. Une fenêtre sur "la vie des autres" par le biais de la fiction. A lire aussi, cette chronique sur Mediapart.

Les classements - ou les prix - s'avèrent intéressants comme indications de l'état d'un pouvoir, de la situation dans un champ etc. Comme tel, la 4e place du petit livre de l'anthropologue Françoise Héritier dans le "classement Datalib" des ventes de livres de Libération de ce jour*, est à noter. Ne lui doit-on pas ces quelques phrases intelligentes ?

* Lequel donne deux pages d'extraits du livre d'entretiens avec Jean-Jacques Susini, paru aux Arènes et dû à Bertrand Le Gendre.